Type d’ouvrage : roman français d’aventures de type médiéval
Auteur : anonyme
On peut signaler 10 autres éditions anciennes des débuts de l’imprimerie jusqu’en 1600 :
Il n’existe aucune édition de la version manuscrite en alexandrins, dont découle la prose imprimée (voir Histoire éditoriale).
Il existe une édition critique de la prose imprimée à partir de 1496 :
Ogier le Dannoys, éd. Aurélia Dompierre, in Édition et étude littéraire de la version française en prose de la légende d’Ogier le Danois conservée dans les trois premiers imprimés : Lyon, Jean de Vingle (1496) ; Paris, (pour) Antoine Vérard (s.d.) ; Paris, Le Petit Laurens (s.d.), Thèse de l’Université de Strasbourg soutenue le 20 novembre 2015.
Il existe aussi un fac-similé de l’exemplaire de Turin de l’édition Vérard :
Ogier le Dannoys, Roman en prose du XVe siècle, éd. K. Togeby, Copenhague, Munksgaard, 1967.
La source la plus lointaine que nous possédions de la prose imprimée date des alentours de 1200. Il s’agit d’une chanson de geste de 12000 décasyllabes, La Chevalerie Ogier. Ce texte serait un remaniement, attribué à Raimbert de Paris, d’un texte plus ancien qui n’est pas parvenu jusqu’à nous. Une continuation de 31000 décasyllabes a été composée vers 1310. La première partie reprend, en le modernisant et en l’étoffant, la Chevalerie Ogier ; la seconde ajoute de nouvelles péripéties du héros en Orient, à Avalon et en France après 200 ans. Enfin, une réécriture complète à la fois de la Chevalerie originelle et de sa continuation de 29000 alexandrins a été écrite vers le milieu du XIVe siècle.
La version en prose anonyme conservée par les imprimés du XVe et du XVIe siècle n’a pas subsisté sous forme manuscrite. Elle dérive de la version en alexandrins ou d’une copie intermédiaire de ce même texte. Elle pourrait avoir pour commanditaire Jean de Wavrin, seigneur rattaché à la cour de Bourgogne, homme de lettres et bibliophile à l’origine de nombreuses commandes de manuscrits, réalisées pour la plupart entre 1450 et 1470 : selon Doutrepont (Les Mises en prose…, p. 172) la prose manuscrite est mentionnée dans l’inventaire de la bibliothèque de Philippe le Bon (vers 1467) sous le titre « Ogier le danois, Wavrin ». La prose originale perdue daterait donc de la deuxième moitié du XVe siècle et il est fort probable que le texte de l’édition princeps de 1496 (Lyon, Jean de Vingle) en soit très proche, même si des copies intermédiaires ne sont pas à exclure.
L’édition princeps d’Ogier le Danois, a été imprimée à Lyon par Jean de Vingle en 1496. Pour comprendre les motivations de l’imprimeur-libraire Jean de Vingle à publier ce texte, il faut rappeler qu’il avait déjà publié à deux reprises, une autre prose épique : Les Quatre fils Aymon (1493, 1495).
Les deux éditions suivantes ne sont pas datées mais on en connait les imprimeurs : il s’agit d’Antoine Vérard et du Petit Laurens, tous deux situés à Paris. Les travaux de la critique ont permis, à défaut de pouvoir proposer une datation précise, de déterminer leur ordre d’apparition. L’édition d’Antoine Vérard porte l’adresse du Pont Notre-Dame, ce qui fournit une date possible de terminus ante quem : le 25 octobre 1499, où le pont s’est effondré, obligeant Vérard à déménager son atelier. Mais on sait aussi que Vérard a continué d’utiliser l’adresse du Pont Notre Dame même après son effondrement. Le terminus ad quem se base quant à lui sur le prologue-dédicace, présent dans un exemplaire de luxe destiné à Louis XII, sacré le 27 mai 1498 (voir Bibliographie : Togeby, p. 222 et M. B. Winn, p. 372). On peut ainsi situer l’édition de Vérard en 1498-1499, quoique l’hypothèse, formulée par plusieurs critiques, d’une impression en deux étapes ne permette pas de résoudre la question définitivement.
L’édition du Petit Laurens est datable seulement par la période d’activité de l’imprimeur, qui s’étend de 1491 à 1517.
En comparant les trois premiers imprimés du roman, qui font partie d’une même tradition, Aurélia Dompierre (voir Bibliographie : p. 24-60) propose une chronologie : l’édition du Petit Laurens serait postérieure à celle de Vérard et l’aurait utilisée comme source. On peut proposer différents arguments en faveur d’une influence de Vingle sur Vérard : l’utilisation par le Parisien de bois similaires à l’édition lyonnaise, la reprise du titre long, inhabituelle dans les éditions de Vérard, et l’utilisation d’un bois repris à une autre édition de Vingle (voir Bibliographie : M. B. Winn, p. 372-373).
On trouve deux grandes familles éditoriales pour les imprimés des XVe et XVIe siècles :
Le groupe lyonnais | Le groupe parisien |
---|---|
Jean de Vingle, 1496 | Antoine Vérard, s. d. |
Claude Nourry, 1525 | Le Petit Laurens, s. d. |
Olivier Arnoullet, 1556 et 1560 | Veuve Trepperel et Jean Janot, s. d. |
Benoît Rigaud, 1579 | Alain Lotrian et Denis Janot, s. d. |
Héritiers Benoît Rigaud, 1599 | Nicolas Chrestien, s. d. |
Jean Bonfons, s. d. | |
Veuve Jean Bonfons, s. d. | |
Nicolas Bonfons, s. d. et 1583 |
Ces groupes hétérogènes entretiennent des rapports complexes : l’édition du Petit Laurent a influencé le groupe lyonnais et l’édition princeps lyonnaise le groupe parisien. À l’intérieur de ces deux grands groupes, se dessinent aussi des liens de parenté très proches entre les éditions, qui procèdent, de rapports familiaux entre les imprimeurs.
Claude Nourry propose son édition d’Ogier le Danois (éd. 1Ogier le Dannoys duc de Dannemarche : qui fut l’ung des douze pers de France, lequel
avec l’ayde du roy Charlemaigne, chassa les payens hors de Romme et remist le pape
en son siege. Et conquist troys terribles geans sarrazins en champ de bataille, c’est
assavoir Brunamont, roy d’Egypte devant Romme, Bruhier souldan de Babylone devant
Laon, et Justamont son frere devant Acre. Et fut couronné roy d’Angleterre et roy
d’Acre, et conquist Hierusalem et Babylone, et plusieurs autres vaillances feist ledict
Ogier. Et fut long temps en faerie, puis revint comme vous pourrez lire cy apres en
ce present livre.
Lyon, Claude Nourry, 1525.) trois mois après sa publication d’un autre « best-seller » de la matière épique,
Galien Rethoré. Pour ce dernier, il a reproduit l’édition princeps de Vérard publiée à Paris en 1500. On peut donc raisonnablement penser qu’il a procédé
de même pour son édition d’Ogier, elle-même déjà publiée par Vérard. Mais c’est sans compter l’existence de liens
familiaux entre la famille Vingle et Nourry, toutes deux établies à Lyon. En effet,
après la mort de leur père Jean de Vingle en 1513, les deux fils, Pierre, futur imprimeur-libraire,
et Jean, graveur, sont entrés au service de Claude Nourry. Pierre a été associé aux
affaires en 1525 et a épousé la fille de son maître avant de lui succéder. Nourry
a donc pu utiliser l’édition princeps de Vingle (il a repris d’ailleurs plusieurs bois gravés qui apparaissent à l’identique
dans son édition), sinon être influencé par son gendre dans ce choix éditorial. Il
avait d’ailleurs déjà publié deux titres de son prédécesseur lyonnais, Les Troys filz de roys (1503 et 1508) et Les Quatre filz Aymon (1506). Cependant, il a reproduit certaines modifications de l’édition du Petit Laurens
(comme des rubriques additionnelles, absentes de Vingle et Vérard). On peut donc imaginer
l’utilisation de deux sources différentes.
Une comparaison entre les éditions d’Olivier Arnoullet (éd. 2Ogier le Dannoys duc de Dannemarche : qui fut l’ung des douze pers de France. Lequel
avec l’ayde du roy Charlemaigne, chassa les payens hors de Romme et remist le pape
en son siege. Et conquist troys terribles geans sarrazins en champ de bataille, c’est
assavoir Brunamont, roy d’Egipte devant Romme, Bruhier souldan de Babylonne devant
Laon, et Justamont son frere devant Acre. Et fut couronné roy d’Angleterre et roy
d’Acre, et aussi conquist la cité de Hierusalem et Babylone, et plusieurs aultres
vaillances feist ledict Ogier. Et fut long temps en faerie. Comme vous pourrez lire
cy après.
Lyon, Olivier Arnoullet, 1556. et 3Ogier le Dannoys duc de Dannemarche : qui fut l’ung des douze pers de France. Lequel
avec l’ayde du roy Charlemaigne, chassa les payens hors de Romme et remist le pape
en son siege. Et conquist troys terribles geans sarrazins en champ de bataille, c’est
assavoir Brunamont, roy d’Egipte devant Romme, Bruhier souldan de Babylonne devant
Laon, et Justamont son frere devant Acre. Et fut couronné roy d’Angleterre et roy
d’Acre, et aussi conquist la cité de Hierusalem et Babylone, et plusieurs aultres
vaillances feist ledict Ogier. Et fut long temps en faerie. Comme vous pourrez lire
cy après.
Lyon, Olivier Arnoullet, 1560.) et Benoît Rigaud (éd. 4L’Histoire d’Ogier le Dannoys duc de Dannemarche, qui fut l’un des douze pers de France.
Lequel avec l’ayde du Roy Charlemagne chassa les payens hors de Rome, et remist le
Pape en son siege. Puis conquist trois terribles geans sarrazins en champ de bataille,
c’est assavoir Brunamon Roy d’Egypte devant Rome, Bruhier soudan de Babylonne devant
Laon, et Justamont son frere devant Acre. Et apres fut couronné roy d’Angleterre et
roy d’Acre, aussi conquist la cité de Jerusalem et Babylonne, et plusieurs autres
vaillances fist ledict Ogier. Qui enfin fut long temps en Faërie comme vous pourrez
lire cy après.
Lyon, Benoît Rigaud, 1579.) et celle de Nourry montre que ces deux imprimeurs-libraires ont pris pour modèle
l’édition de Nourry (mêmes ajouts de rubriques, mêmes passages qui avaient été modifiés
par Nourry, mêmes abrègements, mêmes réorganisations de paragraphes, etc.). Olivier
Arnoullet publie le roman à deux reprises, en 1556 et 1560. Benoît Rigaud a reproduit lui aussi le modèle de Claude Nourry, en reprenant les mêmes modifications.
Lorsqu’en 1579 il publie Ogier pour la première fois, il a déjà deux proses épiques
à son actif (Galien le Restoré et Fierabras en 1575) ainsi qu’une troisième, Maugis d’Aigremont, qu’il publie la même année. Après sa mort, ses héritiers ont publié une dernière fois Ogier en 1599 (éd. 5L’Histoire d’Ogier le Dannois, duc de Dannemarche, qui fut l’un des douze pairs de
France. Lequel avec l’ayde du Roy Charlemaigne chassa les payens hors de Rome, et
remist le Pape en son siege. Puis conquist trois terribles geans sarrazins en champ
de bataille, c’est à sçavoir Brunamont Roy d’Egypte devant Rome, Bruhier soudan de
Babylonne devant Laon, et Justamont son frere devant Acre. Et apres fut couronné roy
d’Angleterre et roy d’Acre, aussi conquist la cité de Jerusalem et Babylonne, et plusieurs
autres vaillances fist ledict Ogier. Qui enfin fut long-temps en Faerie, comme vous
pourrez lire cy après.
Lyon, Héritiers Benoît Rigaud, 1599.), sur le modèle de l’édition de leur père.
La fortune éditoriale postérieure d’Ogier le Danois témoigne du rôle fondamental de l’imprimerie dans sa survie : huit éditions pour la Bibliothèque Bleue entre 1606 et 1673, à Troyes, Lyon et Rouen, une version abrégée dans la Bibliothèque universelle des romans en 1778, une adaptation par le comte de Tressan dans la Bibliothèque universelle des dames en 1787 et 1788, et une réédition dans la Bibliothèque Bleue par Alfred Delvau en 1859-1860 puis 1869.
On peut signaler 3 éditions non localisées :
L’édition comporte une dédicace rédigée par Vérard, absente des autres éditions, et un prologue, sans titre, rédigé par l’auteur de la mise en prose et présent dans toutes les autres éditions.
Pource que je congnois que oysiveté destourbe et empesche les cueurs des hommes à bien faire par les enhertemens du maulvais esperit, et que tout homme doit tendre à faire tousjours aucune bonne oeuvre, et qu’il ne soit trouvé oyseux moy qui avoye de coustume faire aucuns beaux livres de diverses sortes pour solacier le treschrestien roy Charles huytiesme de bonne memoire pour lequel et à ses bons commandemens en ay plusieurs faitz et ordonnez, en lisant lesquelz il prenoit recreation aux heures et temps qu’il luy plaisoit, et à l’exemple de luy aussi faisoient plusieurs princes, gens de bien et de vertus, ces choses longuement en moy pourpensées, et que la chose acoustumée de faire est forte et dure à delaisser comme dit le philosophe : durum est assueta relinquere, et aussi pour eschiver oysiveté, apres ce que j’ay peu congnoistre qui plus resjouisse ung noble cueur et chevaleureux, et singulierement roys, princes, barons, chevaliers et escuiers c’est de ouyr diviser et racompter les beaulx fais d’armes, appertises et vaillances des roys preux, chevaliers hardis et entrepreneux qui anciennement furent.
Et pource, mon treshonnoré et souverain seigneur, Loÿs douziesme de ce nom, treschrestien roy de France, en vous voulant à mon povoir servir de ma qualité comme ay fait vostre predecesseur à la louenge de Dieu et honneur de vous chier sire vous ay fait ung petit livre apellé Ogier le Dannoys ouquel en prenant vostre recreation quant il vous viendra à plaisir l’ouyr lire pourrez veoir comment plusieurs belles entreprinses, faitz d’armes et appertises de diverses manieres furent faictes des vaillans roys, princes et chevaliers qui ont regné par cy devant, par lesquelz faitz ils ont renom et memoire. Et combien que vostre royale magesté soit scientifique et ait congnoissance de toutes ces choses ce nonobstant à l’exemple de vous treschier sire, les jeunes princes, chevaliers et escuiers prendront exemple à science et armes vouloir ensuyr et imiter, et en lisant ce petit livre esmouveront leurs cueurs à toutes vaillantises et appertises d’armes faire, comme ont fait ceulx oudit livre nommez, ainsi que vostre noble et royale magesté pourra veoir en lisant icelluy livre, et tous nobles cueurs à l’exemple de vous, en moy commandant voz bons plaisirs.
Jhesuscrist nostre redempteur dit comme il est escript au quinziesme de monseigneur saint Jehan, sans moy ne povez vous rien faire. Parquoy nous luy prierons que au commencement de ceste oevre il luy plaise d’estre en nostre ayde, affin que nous puissons faire chose qui soit à sa louange, et à la louange de toute la court celestielle. Et à l’utillité et proffit des lisans et escoutans, et quelle soit cause de leur donner exemple de bien vivre en ce mortel monde. Ainsi que ont fait ceulx dequoy nostre matiere fera mention, lesquelz ont si bien et si vertueusement vescu en ce monde qu’il en est memoire perpetuelle. Car en lisant les faiz et vaillances des princes et vaillans chevalliers qui ont regné par cy devant, le cueur se meult à les ensuyvir et d’aquerir honneur et bonne renommée. Pourquoy j’ay voulu ramener ce present livre à memoire, lequel fait mencion des nobles prouesses et grans faiz d’armes, que fit jadis le noble Ogier le Dannoys, qui fut du temps du grant roy Charlemaigne jadis roy de France, et empereur de Romme, lequel print tant de paine pour exaulser la saincte foy crestienne, et qui avecques l’ayde dudit Ogier le Dannoys getta les maulditz Sarrazins ennemys de nostre saincte foy hors de Romme et remist le saint pere pape Leon en son saint sige, que les maulditz payens en avoient getté, et avoient tué tous les crestiens, et fait de l’eglise de Saint Pierre le temple de leurs dieux, comme pourrez ouyr icy apres. Et aussi comme ledit Ogier mena grant guerre au roy Charlemaigne pour l’amour de son filz Baudoin, que Charlot le filz de l’empereur Charlemaigne avoit occis d’un eschequier d’or en jouant aux eschecz, dont il advint une moult grant guerre qui dura plus de sept ans, aussi pourrez ouyr comme la paix fut faicte miraculeusement par le vouloir de Dieu. Lequel Ogier fut filz de Geoffroy duc de Dannemarche, lequel avoit onze freres tous chevalliers et moult vaillans, et furent filz de Doon de Mayence, qui fut tant plain de grant prouesse, desquelz enfans estoit Naymes de Dordonne, Doon de Nantueil, Gerart du Fratre et Geoffroy de Dannemarche. Lesquelz conquirent tant de paÿs sus les mescreans et principallement cestuy Geoffroy, lequel conquist la duchié de Dannemarche avecques l’ayde d’aucuns de ses freres sur les Sarrazins. Et aussi conquist la belle Dannemonde, qui fut fille d’un grant roy payen, laquelle il fist baptiser, et puis solennellement l’espousa en nostre mere saincte Eglise, ausquelles nopces le duc tint court ouverte, et manda tous ses parens et amys : et les festoya moult bien, et leur donna de moult grans et riches dons. Et la premiere nuyt des nopces il engendra en la dame ung bel enfant. La feste dura quinze jours, et puis tous les barons et chevalliers prindrent congié du duc et de la duchesse, lesquelz les remercierent moult du grant honneur qu’ilz leur avoient fait d’estre venuz a leurs nopces. Aussi les barons et chevalliers, les dames et damoiselles remercierent moult le duc des grans et riches dons que le duc et la duchesse leur avoient donnez. Et puis chascun s’en alla en son hostel. La dame porta l’enfant neuf mois, mais avant que le terme fust venu, l’enfant devint si grant et si gros en son ventre que chascun disoit qu’elle feroit deux enfans, dequoy la duchesse avoit moult grant paour. Et quant vint au terme que la dame deut enfanter elle fut tant malade, et eut tant de mal que apres qu’elle fut delivre de l’enfant, il convint qu’elle prist mort, dont le duc et toute la court furent moult troublez, et aussi tous ceulx de la cité, car elle estoit bonne dame, et fort piteuse de povres gens. Et celle propre nuyt que l’enfant fut né les damoiselles du chasteau le mirent en une chambre à part, et à l’eure de mynuit vindrent en ladicte chambre ou estoit l’enfant six belles dames richement abillees, lesquelles on nomme faees, et desveloperent l’enfant, et l’une d’elles nommée Gloriande le print entre ses bras, et quant elle le vit si beau si grant et si bien formé de ses membres le baisa par moult grant amour : en disant mon enfant au nom de Dieu je te donne ung don, c’est assavoir que tant que tu seras en vie que tu soies le plus hardy chevallier qui soit durant ton vivant. Dame dist une autre nommée Palestine ce don que luy avez donné n’est pas petit, et je lui donne doncques que tant qu’il sera en vie que guerre ne bataille ne lui faille point. Alors respondit une autre nommée Pharamonde, dame ce don que lui donnez est moult dangereux, parquoy je lui donne que jamais il ne soit vaincu en bataille. Et je lui donne se dist une autre nommée Melior que tant qu’il sera en vie il soit beau doulx et gracieux plus que nul autre. Et la cinquiesme nommée Presine dist, je lui donne qu’il soit tousjours aymé des dames et que en amours il soit eureux. Et la sixiesme nommée Morgue dist, j’ay bien entendu les dons que vous avez donné à cest enfant, et je vueil qu’il ne meure jamais jusques à ce qu’il ait esté mon amy par amours, et que je le tiengne au chasteau d’Avalon, qui est le plus beau chasteau du monde. Et puis la dame le baisa par grant amour. Et puis laisserent l’enfant et s’en allerent que on ne sceut qu’elles devindrent, et l’enfant demoura criant a haulte voix.
Gaëlle Burg
04/11/2011
10/06/2024
Citer cette noticeGaëlle Burg, « Ogier le Danois », in base ELR : éditions lyonnaises de romans du XVIe siècle (1501-1600), Pascale Mounier (dir.), en ligne : https://rhr16-elr.unicaen.fr/fiches/102 [consulté le 21/11/2024]