Type d’ouvrage : roman sentimental récent traduit
Auteur : San Pedro, Diego de
DIEGO DE SAN PEDRO, Petit traité de Arnalte et Lucenda (1546), trad. N. Herberay des Essarts, édition établie et annotée par Véronique Duché-Gavet, Paris, Champion, coll. « Textes de la Renaissance », Série « Sources espagnoles », 2004.
Il existe 2 manuscrits anciens du texte de San Pedro :
Le Tractado de Arnalte y Lucenda a connu 4 éditions :
La première traduction française du Tractado de Arnalte y Lucenda, roman sentimental rédigé à la fin du XVe siècle par Diego de San Pedro, a été publiée à Paris en 1539 sous le titre L’Amant maltraicté de s’amye, par les soins du traducteur Nicolas Herberay des Essarts. Le texte qu’il choisit de traduire est vraisemblablement l’édition de Burgos datant de 1522. Dédié à Mellin de Saint-Gelais. le Petit traité de Arnalte et Lucenda permet sans doute à Herberay de se lancer dans la carrière de traducteur. Ce dernier s’attellera ensuite à une œuvre de plus grande envergure, Amadis de Gaule, qu’il introduit avec succès en France.
En 1547, le Petit traité de Arnalte et Lucenda rejoint le marché lyonnais. C’est d’abord Jean de Tournes (éd. 1Petit traité de Arnalte et Lucenda autresfois traduit de langue espaignole en la françoyse
et intitulé l’amant mal traité de s’amye.
Lyon, Jean de Tournes, 1547. et 2Petit traité de Arnalte et Lucenda.
Lyon, Jean de Tournes, 1555.) qui s’intéresse à l’ouvrage. Eustache Barricat pour sa part en proposera à partir de 1553 une édition bilingue (éd. 3Petit traité de Arnalte et Lucenda. Picciol trattato d’Arnalte et di Lucenda.
Lyon, Balthazar Arnoullet pour Eustache Barricat, 1555.) , après en avoir livré en 1550, selon Brunet, une édition unilingue (voir Édition
non localisées). C’est le Florentin Bartolomeo Marraffi qui se charge de la version
italienne. La veuve de Gabriel Cotier (éd. 4Petit traité de Arnalte et Lucenda. Picciol trattato d’Arnalte et di Lucenda.
Lyon, Jean Marcorelle et Veuve Gabriel Cotier, 1570.) puis Benoît Rigaud (éd. 5Petit traité d’Arnalte et Lucenda. Picciol trattato d’Arnalte et di Lucenda.
Lyon, Benoît Rigaud, 1583.) partageront également le marché de l’édition bilingue.
Après une dédicace, adressée aux « Dames de la court », on trouve l’incipit, orné d’une gravure sur bois.
Mes Dames vertueuses, si j’avois autant d’asseurance de mon sçavoir que du doute de la moquerie, j’entrerois plus hardiment et sans soupçon en l’œuvre suyvante. Toutesfois avecq’ la vertu qui est en vous, mettant arriere toute crainte, j’ay voulu recevoir (peult estre) de vieille faulte nouvelle honte. Mais quoy qu’il en soit, la cause de mon erreur peult bien estre absoulte. Car comme cy apres je vous feray entendre, plus pour la necessité et mandement d’autruy, que de mon gré, il m’a convenu declarer ce present discours. A ceste cause, mes dames, s’il vous plaist recevrez en service, non ce qu’avecq’ la rudesse du langage je publie par escrit, mais ce qu’avecq’ iceluy souz silence je cœuvre, de sorte que les motz, l’histoire, et la volunté demeure en voz bonnes graces, prenant contentement, non seulement par ce que je diray, mais avecq’ ce que je desire vous faire sçavoir. Et si la moquerie ne se peult excuser, au moins qu’elle soit secrete, et la faveur manifeste, car en tel acte consiste la vertu. Or si pour le desir que j’ay de vous faire service, je merite aucune recompense, je vous suplie, mes dames, que ce soit à ce que par vostre vertu les faultes soient supliées, pource qu’avant que l’œuvre suyvant soit à tous agreable, ce supliment luy sera plus que necessaire ; d’autant que je n’en voy nulles, tant soient elles gentiles, ou mises en beau et elegant stille, qui puissent communément à tous satisfaire, mais de plusieurs sont contemnées, et peu favorisées. Des uns, pource qu’ilz ne sçavent, des autres, pour n’y prendre plaisir, et les aucuns, non pour les faultes qu’ilz y trouvent, mais à ce qu’on presume d’eulx, qu’ilz soient (peult estre) plus sçavants qu’ilz ne sont. Donques si envers telz est besoing de faveur, le bien de voz bonnes graces me sera tresnecessaire, et si iceluy puis avoir, quelle reprehension me pourra toucher ? Vous asseurant, mes dames, que plus avecq’ la confiance que j’espere en vostre suport qu’à l’estime de mon sçavoir, j’ay osé joindre la crainte de ce commencement avecq’ la fin de ce conte. Encores ay-je à vous faire autre requeste : c’est qu’il vous plaise prendre bien de moy, si en vous recitant ces nouvelles, je vous tais mon nom, car autre chose ne m’a meu de ce faire, sinon que j’ayme trop mieux voir rire de mon œuvre, ne sçachant qui en est l’autheur, que d’iceluy et de moy ensemblément. Et à fin que la prolixité ne vous cause ennuy, je commenceray à vous faire sçavoir ce qui m’a esté commandé par la maniere suyvante.
Ayant en cest esté passé entreprins un voyage (plus pour la necessité d’autruy que de mon bon gré) pour lequel faire me convenoit de ce païs grandement esloigner, et aprés avoir par long temps cheminé, me trouvay, de fortune, en un grand desert, non moins solitaire de gents qu’ennuieux à traverser. Et comme ceste contrée me fust incogneuë, pensant aller mon droit chemin, me vy esgaré, de sorte que je ne peu recouvrer mon adresse, tant pour la grand’ facherie que j’avois, que pour la faulte d’aucun à qui la pouvoir demander. Et me trouvant en telle necessité, je cogneu que si le lieu estoit abondant de solitude, qu’en moy trop plus excedoit la passion. Lors regardant de toutes parts, tant peurent mes yeux, qu’à mon cueur tourmenté donnerent aucun alegement, quand en une forest assez loing de moy (estant le temps clair et serain) j’eu cognoissance qu’en cest endroit (par quelque fumée qui en sailloit) y avoit habitacion de gents, si que choisy pour le meilleur m’acheminer en ce lieu, et traversant par l’espesseur du boys, trouvay le chemin si rude et difficile, que moins ne me repentois l’avoir entreprins que j’en desirois l’yssue. Toutesfois les esperons chaussez, à ma deliberation, ne voulu refuser la carriere encommencée, mais poursuyvant mon chemin, ainsi que le soleil commençoit à laisser la pleine, j’arrivay en une haulte coste, de laquelle aysément je peu choisir le lieu de la naissance desdites fumées, qui sortoient de la maison d’un gentilhomme, laquelle il avoit nouvellement en cest endroit fait edifier, et estoit entierement painte de couleur noire, depuis le fondement jusques à la summité d’icelle.
Diego de San Pedro dédie son œuvre aux « dames de la reine » Isabelle la Catholique, comme en témoigne la dédicace ci-dessous, que des Essarts traduit de très près.
Virtuosas señoras si tanta seguridad de mi saber como temor de vuestro burlar tuviesse mas sin recelo en la obra començada entraria. Pero con la virtud de vuestras mercedes, despidiendo los miedos quise de vieja falta nueva verguença recebir : como quiera que con la causa de mi yerro puedo bien desculparme : porque como adelante mostrare mas necessidad de ageno mandado : que premia de voluntad mia en el siguiente tratado me hizo entender : pero vosotras señoras recebid en servicio, no lo que con rudeza en el escrevir publico : mas lo que con falta en el callar encubro. De manera que si los motes la obra suffriere : la voluntad las gracias reciba agradeciendo no lo que dixere : mas lo que dezir quise. E si en todo caso el burlar de mi escusar no se puede, sea mas por mis razones fazer al palacio : que por offensa mia : pero con todo esso a vuestras mercedes suplico que la burla sea secreta : y el favor publico : pues en esto la condicion de la virtud consiste. E si por desseo que de vuestro servicio señoras tengo alguna merced os merezco : esta sea porque supla a la falta mia la virtud vuestra, y porque della terna la obra seguritad si siguiere necessidad estrecha porque las cosas en todo y todas buenas : por mucho que con gentil estilo y discreta orden ordenadas sean no pueden a todos contentar antes de muchos son por no tales juzgadas. De unos porque no las alcançan. De otros porque en ellas no estan atentos. De otros no por las faltas que hallan : mas porque sepan que saben. Pues si los tales el favor discreto han menester : bien el de vuestras mercedes menester me fara. El qual si yo tengo, qual reprehension podra tocar me ? pues la verdad señoras os diziendo mas con confiança del ? que en esfuerço mio osare el tema de mi comienço con el cabo juntar. Bien pense por otro estilo mis razones seguir : pero aunque fuera mas sotil fuera menos agradable y desta causa la obra del pensamiento dexe e si por este que sigo quise ponerme : no por esso dexe de pensar que mas de corrido avia de dolerme que de vanagloria preciarme. Pero como de mayor precio sean los motes discretos que los simples loores quise la carrera acordada no rehusar. Lo que señoras os pido es que a desuario no se me cuente si quando vuestras mercedes nuevas de mis nuevas hizieren, mi nombre no les declare ? que si la publicacion del quiero callar : es porque mas quiero ver reyr de mi obra, encubriendome que no della y de mi publicandome. E porque la prolixidad necessidad de enojo me traya : vengo señoras a dar os la cuenta que me fue mandado que os dixesse. Lo qual en esta maniera comienço.
Véronique Duché
04/11/2011
26/08/2019
Citer cette noticeVéronique Duché, « [Arnalte y Lucenda] Arnalte et Lucenda », in base ELR : éditions lyonnaises de romans du XVIe siècle (1501-1600), Pascale Mounier (dir.), en ligne : https://rhr16-elr.unicaen.fr/fiches/25 [consulté le 21/11/2024]