Type d’ouvrage : roman d’aventures récent traduit
Auteur : Ariosto, Lodovico
Il n’y a pas de réédition des deux traductions françaises du XVIe siècle. Mais différentes traductions modernes sont disponibles.
ARIOSTE, L’, Roland furieux, 2 t., trad. F. Reynard, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2003.
Une bibliographie des éditions critiques d’Orlando furioso est proposée par Ilaria Andreoli sur le site de l’Université de Caen (MRSH). Plusieurs éditions modernes reprennent la version de 1532 d’Orlando furioso, en particulier :
ARIOSTO, Lodovico, Orlando furioso, éd. C. Segre, Milano, Mondadori, « I Meridiani », 1990. 2 vol.
On trouve plusieurs éditions bilingues italien-français, en particulier :
Le romanzo de l’Arioste est mis pour la fois en français par l’édition 1., en 1544.
Les octaves hendécasyllabiques des quarante-six chants y sont transcrites en prose mais la traduction reste très proche de l’original.
Le nom du « translateur » ou « traducteur » n’est pas donné par l’éditeur, Jean des Gouttes, qui signe pour sa part l’épître dédicatoire et l’adresse « Au lecteur benivole ». On a avancé plusieurs noms pour l’identifier : Jean Martin, Denis Sauvage, Des Gouttes lui-même, Charles Fontaine, Maurice Scève. Certains critiques penchent pour une équipe de traducteurs.
Des Gouttes réutilise dans les liminaires le péritexte de l’édition de L. Dolce, imprimée à Venise par G. Giolito en 1542 (voir S. Cappello, « Aux origines de la réflexion…. », art. cit., p.425-429) ; il place en particulier les « Allegories » italiennes au début de l’édition.
Le privilège de six ans donné au libraire Jean Thélusson a été délivré le 7 mars 1543 à Paris - ancien style, semble-t-il, puisque la cour passe seulement en 1544 dans cette ville.Une révision de la traduction de l’éd. 1. est faite par Gabriel Chappuys en 1576, publiée exclusivement à Lyon.
Parmi les éditions lyonnaises du XVIe siècle, on trouve deux éditions sans exemplaire repéré :
Outre les éléments transcrits ci-dessous le paratexte liminaire contient un huitain « Au lecteur » [page de titre] et un commentaire du texte intitulé « Sens allegoriques sur chasque chant du Roland Furieux » [f. *5 v°], l’un et l’autre non signés.
Il est permis par Privilege du Roy à Jehan Thellusson marchant demeurant à Lyon, de imprimer ou faire imprimer par telz Libraires et Imprimeurs des villes de Paris, Lyon, et aultres que bon luy semblera, les Livres intituléz Roland furieux Roland amoureux translatez de Italien en François, durant le temps et terme de six ans prochainement venans, iceulx Livres mettre et faire mettre et exposer en vente, et delivrer à qui en vouldra. Et est prohibé personnes que ceulx : ausquelz ledict Thellusson aura donné charge desdictes impression et distribution, sur certaines grandes peynes audict Seigneur à appliquer, d’amende arbitraire, et de perdition desdictz Livres et de tout ce qu’ilz y mettront, de ne les imprimer, ne faire imprimer, vendre ne distribuer en quelque maniere que ce soit durant ledict temps de six ans. Le tout ainsi que plus a plein est contenu et declairé ès lettres patentes dudict Privilege données à Paris le septiesme jour de mars l’an de grace M. D. XLIII. Soubscriptes Par le Roy en son Conseil Signées Duthier et scelleés en simple queue de Cire jaulne.
Telle fut l’opinion du Translateur du Furieux, Reverendissime Seigneur, quand premierement à ma resqueste il meit la main à la plume : assavoir qu’il ne doubtoit point que l’Arioste tourné en prose françoyse ne perdist beaucoup de sa nayfveté : et pareillement qu’il ne convint à quiconque le vouldroit representer en vers françoys, qui fussent d’aussi bonne grace, et resonance, qu’il est en son original, employer à ce faire le labeur de douze ou quinze ans : temps et terme de vie, que Nature (possible) ne luy concederoit : mesmement aussi s’il en vouloit non moins venir à son honneur, et aultant proprement refigurer la proprieté des beaulx traictz du langaige Italicque, que le Poëte mesme a eu de felicité à bien exprimer toute affectueuse intention. Et quant à luy, pource que communement tous Traducteurs sont comparez aux blanchisseurs de murailles, ou laveurs de tableaux : qui se veullent acquerir nom pour illustrer le labeur d’aultruy : il vouldroit reserver à sa louenge, ce peu de felicité de nature qu’il a en soy, à traicter et deduyre subject : auquel s’il n’estoit si heureux que le divin Arioste a esté au sien, aumoins il le feroit estre tel, qu’il ne seroit veu emprunté d’ailleurs, que de son naturel et acquis. Telle response, Monseigneur, ne peult lors appaiser mes desirs. Car incessamment je considerois comment vostre Arioste s’estoit exposé à la veuë des hommes quasi plus pour demonstrer l’excellence et generosité de vostre tresillustre Maison, que non pas pour se glorifier en l’immortalité de son divin esprit : Et ce encores affin que voz si glorieuses vertuz fussent non seulement congneuës en l’universelle Italie, mais encore principallement en ceste nostre France. Et à ce moyen ne me sembloit chose impertinente (comment que ce fust, en ryme ou en prose) de faire descouvrir aux nostres l’obligation que par la tresdocte veyne dudict Arioste nous avons à V. R. S. Par les merites de laquelle icelluy aussi a illustré quant et la vostre, aux Gaulois leur interminable gloire. Doncques nostre present Translateur totallement pressé de mes prieres, et affectueux desirs, pour le plus expedient, et pour aussi satisfaire plus promptement à l’affection de maintz gros personnaiges mes amys : qui quasi impatiemment attendoient si bel Oeuvre, il l’a estendue en prose, laissant là les rymes et mesures, meu des raisons dessusdictes : et parce qu’il congnoissoit aussi que telles histoires (mesmes en nostre langaige) ont je ne sçay quoy plus de gracieux. Et que ainsi soit, tesmoings en sont maintz Poëtes Provensaulx, et Picquardz, qui à cause de leur peu de grace, et rudesse de vers n’ont peu durer jusques à ce present Siecle plus heureux, ayant toutes langues, soient grammaticalles ou vulgaires, tousjours esté corrompues par la necessiteuse contraincte, ou trop grande liberté de Poësie. Bien est il vray que ledict Translateur, oultre la commune estimation de ceulx, qui sans faire difference de traduction à paraphrase, ne de paraphrase à glose, dient que tout fidele interprete ne rendra mot pour mot, a suyvi cest aultre Virgile presque tout de mot à mot : tant s’en fault il qu’il ayt obmis un seul traict de sa nayve candeur. Et n’y a adjousté seulement que quelque particularité de vocables pour lyer les coupletz ou huictains : qui par licence poëtique aulcunesfoys desjoingnent ou reiterent une mesme sentence. Et a esté de sorte, que sans s’apercevoir de la ryme en lisant, le Thuscan ne pourra ignorer nostre langue, comme le lecteur Françoys pourra aussi enrichir (où il est indigent) son parler de ceste copieuse phrase Thuscane. Or quoy que ce soit, ledict Translateur n’a voulu faire ceste injure aux propres matieres d’abuser de leurs propres termes, non plus que le Poëte mesmes ne les en a voulu desnuer. Au moyen de quoy si quelcun moins expert les trouve durs, il le prie avant que d’en juger, qu’il regarde que telz propos et telz termes sont, qui agencent la legiereté de la prolation, et neantmoins estant couchez par escript diminuent la gravité de l’escripture : et au rebours tel propos, et tel vocable donne authorité à la plume et à l’encre, qui avilit la langue, et ne treuve lieu à estre recité : D’avantaige prie ledict Translateur icelluy moins expert, qu’il prenne garde que les Autheurs de noz plaisantes et recratifves histoires, ont prins garde songneusement, et se sont travaillez de faire que leurs beaulx Comptes sentissent tousjours, sinon leur vray, à tout le moins leur vraysemblable : Et pource ont usé de style sans aulcun fard de rethorique, et tirant plus sur le ramaige. Ce que je croy encor a faict le Conte Boiard en son Roland enamouré, pour de plus près ensuyvre Lancelot du Lac, et Tristan principal et seul object de cest Oeuvre : et aultres Chroniques de la table ronde toutes nues en leur naturelle simplicité, pour attirer (comme est dict) les auditeurs à leur prester plus de foy. Mais si celluy moins expert est encores si chatouilleux des oreilles, ou si Pedant, qu’il ne vueille accepter ces suffisantes et raisonnables excuses disant comme la plus part des Grimaulx font aujourd’huy, que telz vocables ne sont aulcunement françoys, ledict Translateur est de cest advis (s’il faut ainsi jouër) pour contenter telles manieres de gent, que l’on obtienne au [sic] dessusdictz termes et vocables nouveaulx, et par ce sentans plus leur saulvaige, Lettres de naturalité pour asseurance : ou bien qu’ilz attendent que la Posterité, qui en a d’estre le juge sans affection, les ait receuz ou non : Et lors que telz Censeurs graillent à leur mode. Car quant audict Translateur, il a plus cher d’obeyr au devoir qu’il a avec toute la France à la sublimité des merites de V. R. S. laquelle aussi à plus grand bien nous oblige, que non à la vanité de si sotz et aveugles Calumniateurs.
Ces succinctes Allegories, amy Lecteur, je t’ay bien voulu preposer affin que tu consideres avant que d’entrer en la lecture du Furieux, quelle, et comment se doibt prendre et tirer l’utilité de la plaisante et recreative Poësie. Et ces allegories je t’eusse sans doubte, mises plus au long. Car dessoubz l’escorce y a tant, et tant de beaulx sens qui averez pourroient estre l’instruction à tous Princes, et aultres de quelconque qualité qu’ilz soient, que cela est une droicte infinité. Et pource, humain Lecteur, selon tes affections toymesmes tires en les sens, qui à toy seul seront propres et peculiers. En quoy faisant tu congoistras que le divin Autheur de ce beau livre n’a pas voulu seulement repaistre les oreilles d’une coulante et fluxe volupté d’eloquence, mais y a mis (come est dict) soubz le voile des parolles plaisantes, choses en quoy l’esprit de l’homme se peult merveilleusement delecter. Ce que encores tu ne trouveras en maintes aultres Poësies, lesquelles ne sont leuës sinon que une seule foys. Que n’adviendra (à mon jugement) à notre Furieux. Car l’ayant leu attentivement (et ainsi certes se doibt il lire, tant pour la manière de parler de l’Arioste, laquelle le traducteur par plusieurs raisons n’a voulu changer, que pour les sublimes matieres là traictées) tu y prendras goust si merveilleux, et qui tant te plaira, que apres l’on ne t’en pourra tirer, sinon à peine. À Dieu, Lecteur.
Pascale Mounier
04/11/2011
07/09/2017
Citer cette noticePascale Mounier, « [Orlando furioso] Roland furieux », in base ELR : éditions lyonnaises de romans du XVIe siècle (1501-1600), Pascale Mounier (dir.), en ligne : https://rhr16-elr.unicaen.fr/fiches/46 [consulté le 21/11/2024]